Le bruit de la liberté

Il y a trois jours encore, quelques minutes avant la sonnerie, un élève a levé la main. Il m’a posé une question sur le racisme en France. Nous avions parlé de Rosa Parks, Nelson Mandela, de l’apartheid, de la ségrégation aux États-Unis, de l’importance de la conscience. En lui répondant, d’autres mots se sont invités. Histoire, religion, choix, discrimination, tolérance.

Souvent, tout commence par une remarque lancée à la volée par un élève. C’est une phrase jetée dans l’air, là où les murs paraissent parfois si étroits qu’ils menacent de nous enfermer. Certains diront que ce n’est pas là le rôle de l’école. Mais je crois, au contraire, qu’elle n’a pas de vocation plus profonde que celle d’ouvrir les portes. Au fond, est-il juste d’apprendre à écrire sans penser ?

Alors il faut expliquer, contester, bousculer, heurter les convictions parfois, citer des dates, des textes et des traités. À la fin de ces heures-là, je les entends dire « déjà ? », et les yeux dans les leurs, je les regarde réfléchir, s’interpeller, se nourrir de leurs contradictions et, le plus souvent, de leurs désaccords.

Bien sûr, il m’est arrivé de rencontrer des croyances aux remparts plus forts que moi. J’ai mordu mes lèvres, parfois, mais jamais je ne me suis dit qu’il fallait chérir le silence. J’ai continué, comme Samuel Paty, comme tous, à défendre le droit de pousser les murs, de questionner, d’interroger. J’ai aimé mon métier passionnément parce qu’il m’offrait cette possibilité, celle d’ouvrir le monde sur un autre. J’ai débattu encore, toujours, parce que dans « débattre » il y a se battre, et que rien n’a plus de sens que la liberté.

Et, je le sais, nous continuerons demain.